Votre raisonnement vous appartient-il ou bien est-il influencé par la question qui vous a été posée ? Nos décisions sont-elles influencées par la façon dont nous percevons une situation ? C’est ce que nous allons voir ici avec le biais de cadrage.
Pour comprendre l’effet de cadrage, il est important de comprendre les mécanismes de l’aversion au risque. Pour comprendre ceci, imaginons un gain monétaire. Dans ce genre de situation, il serait logique de choisir la meilleure espérance mathématique de gain.
Ça ressemble à quoi l’effet de cadrage ?
Expérience face au risque.
En situation d’urgence, il n’est pas toujours simple de construire une réflexion complexe et logique. Pour illustrer ceci, je vous propose un petit jeu de rôle. Pour vous aider, voici la situation : Je vais vous proposer deux options qui vous permettront peut-être de gagner un peu d’argent.

Les règles du jeu sont simples, il s’agira de vous mettre en situation d’urgence. Pour cela choisissez l’option qui vous paraît la meilleure pour vous, le plus rapidement possible.
Prêt ?…
- Option A : Je vous donne dès maintenant 500€
- Option B : Je vous offre 50% de chance de gagner 1000€ contre 50% de ne rien perdre.
Vous avez fait votre choix ? Si vous avez joué le jeu, je suis prêt à parier que vous avez choisi l’option A. En effet, c’est le choix qu’aura fait la majorité d’entre vous et je vous invite à le vérifier avec votre entourage.
Cependant, si vous relisez les deux options de manière plus analytique, vous vous rendrez compte que l’espérance mathématique est identique dans les deux cas. D’un point de vue mathématique, le résultat de chacun de ces choix revenait à un potentiel de gain de 500€. L’option B était bien un tour de passe-passe vous donnant l’illusion d’un risque à prendre. Dans ce cas de figure il est donc préférable, pour votre système 1, d’assurer un gain.
Toujours en état d’urgence, considérons la situation suivante.
Prenez la meilleure décision le plus rapidement possible.
- Option A : Vous perdez 500€
- Option B : Vous avez 50% de chances de perdre 1000€ et 50% de ne rien perdre.
Si, à première vue, cette situation pourrait sembler similaire à la précédente, il est fort probable que votre choix se soit porté sur l’option B. La perspective de perdre assurément 500€ vous aura probablement poussé vers la possibilité de les garder quitte à en perdre le double.
L’aversion aux pertes
Ces petites expériences ont donc été construites pour vous illustrer le principe d’aversion aux pertes. En d’autres termes, il s’agit là d’un raisonnement mental répondant à une situation dans laquelle notre réflexion est exposée à une potentielle perte.

Dans la première situation, il s’agissait de mettre en exergue l’aversion au risque lorsqu’il s’agit de gains. La majorité des personnes questionnées dans ces mêmes conditions préfèreront assurer un gain plutôt que prendre le risque de perdre.
Dans le second cas de figure, il n’était pas question de gain mais bel et bien de perte. La majorité des personnes questionnées fera preuve d’attirance au risque lorsqu’il s’agira de pertes.
Biais de cadrage en action
Le biais de cadrage (aussi appelé effet de cadrage) est un heuristique. Ce biais cognitif désigne l’influence que peut avoir la formulation d’une situation ou d’une question sur notre prise de décision. Le biais de cadrage et l’aversion aux pertes affectent notre perception et notre raisonnement.
La façon dont sera présenté un évènement posera alors un cadre cognitif sur un individu. De cette façon, ce cadrage psychologique influencera les réflexions de la personne.
C’est ce que démontre le psychologue et prix Nobel américain dans le dilemme de l’épidémie. Dans cette étude, Daniel Kahneman et Amos Tversky composent deux groupes de sujets et leur exposent la problématique suivante :
Nous vivons une épidémie pouvant causer la mort de 600 personnes. Dans cette situation, le rôle de chacun est de se prononcer sur la solution qui leur semble la plus appropriée selon deux options.
Le premier groupe à le choix entre deux traitements.
- Le traitement A permet de sauver 200 personnes
- Le traitement B a 33% de chance de sauver les 600 personnes contre 66% de ne sauver personne.
Cela vous rappelle-t-il quelque-chose ? Avec un simple calcul nous nous rendons compte que le nombre de survivants attendu est le même (soit 200 survivants). Pourtant, 72% des sujets ont choisi l’option A afin d’éviter le risque qu’il n’y ait aucun survivant.
Pour le seconde groupe, la situation est présentée différemment :
- Le traitement A provoque la mort de 400 personnes.
- Le traitement B a 33% de chance que personne ne meure contre 66% de tuer la totalité des malades.
Dans cette représentation, 78% des sujets ont choisi le traitement B.
Si vous relisez attentivement les options de chacun de ces 2 groupes, vous vous rendrez compte que la finalité est strictement identique. Pourtant, la formulation du même problème a influencé la prise de décision des sujets, les faisant tomber dans le piège du biais de cadrage.
Les dangers du biais de cadrage
Vous avez pu le remarquer, le biais de cadrage n’est pas anodin. Les dangers de cette heuristique sont bien connus. Ne dit-on pas que “l’habit ne fait pas le moine” ou bien que “c’est le ton qui fait la musique” ?
Pourtant nous oublions parfois son existence, laissant notre raisonnement tomber dans les pièges du cadre cognitif dans lequel nous sommes. Nous pouvons être victime de cet effet de cadrage chaque jour.
Chaque cadre imposé pourra être de différente nature. Il peut alors être :
- Contextuel, comme c’était le cas avec le dilemme de la pandémie.
- Verbal, lors d’une question fermée “Trouvez-vous inadmissible que cet article ne soit pas plus partagé ?” (Au-delà de la plaisanterie, la question est fortement orientée pour obtenir un “oui”).
- Visuel, comme pourrait être un résultat de sondage un peu manipulé…
Ce cadre peut parfois être énoncé de façon relativement claire ou, au contraire, un peu plus subtile. Prenons l’exemple d’un sondage fait auprès de mes lecteurs sur leur personnage préféré dans l’œuvre d’Arthur Conan Doyle.

Comme vous pouvez le constater, Sherlock Holmes arrive en tête des sondages ! Pourtant, il est subtilement induit que le Docteur Watson pourrait prendre la première place…
Comment ? Me direz-vous.
Regardez plutôt la totalité de la ligne, 41,5% demande plus d’espace que 43% ce qui impose une ligne plus longue qui suffit à dépasser celle de Sherlock.
Se protéger du biais de cadrage
Jusqu’ici, mes expériences et mon sondage ne sont que des illustrations. Néanmoins, gardez en tête que la personne qui maîtrise votre cadre, pourrait bien maîtriser vos décisions.
Apprendre la manipulation pour ne plus être manipulé
Connaître l’existence de l’effet de cadrage permet de mieux s’armer contre ce dernier. Malheureusement, celui-ci s’appuie sur des mécanismes de votre cerveau et votre système de pensée rapide. Il est parfois difficile de se défaire de l’emprise d’un biais cognitif. Voilà pourquoi il est important de ne pas prendre de décisions hâtives, d’écouter ses doutes, et d’analyser chaque situation.
Si cet article vous a plu, sentez-vous libre de le partager et de m’écrire en commentaire vos questions ou le résultat de nos petites expériences sur votre entourage !
3 commentaires
Avec moi c’est simple dès qu’il est question de mathématiques ou de chiffres on peut me retourner le cerveau facilement 😅
Mais au moins j’en suis consciente mdr
Je ne connaissais pas e biais de cadrage et serait plus vigilante à l’avenir sur le contexte et la manière dont certaines questions sont posées. Merci pour cet article instructif et accessible grâce aux illustrations.
Article très intéressant qui ouvre les yeux sur certains éléments ! On ne se rend pas compte que la manière de poser une question détermine la réponse ! Les médias sont pro de ce côté là !